
Le Mali, le Niger et le Burkina Faso, trois pays du Sahel, région semi désertique qui recouvre aussi la Mauritanie et le Tchad, font face à la dégradation de leur sécurité et l’augmentation de la violence terroriste sur leurs territoires. Cette situation est, et demeure source de grande préoccupation pour la communauté internationale.
Washington nomme un nouvel émissaire
Le département d'Etat américain a annoncé dimanche la nomination d'un émissaire pour le Sahel, Peter Pham, qui s'occupait jusqu'ici de l'Afrique des Grands Lacs.Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, "est heureux de désigner Peter Pham comme le tout premier émissaire pour la région africaine du Sahel afin d'y soutenir les efforts diplomatiques américains pour la sécurité et la stabilité" de la région confrontée à des attaques terroristes, a tweeté la porte-parole du département d'Etat Morgan Ortagus. Nommé en novembre 2018, émissaire pour l'Afrique des Grands Lacs, Peter Pham était auparavant vice-président du cercle de réflexion Atlantic Council à Washington, dont il dirigeait le programme sur l'Afrique. Il est présenté comme un ardent défenseur d'une relation "forte" entre les Etats-Unis et l'Afrique.
- Calibrer rigoureusement le dosage de la politique économique à moyen terme : sur fond d’amortisseurs limités et d’une vulnérabilité élevée liée à la dette dans certains pays, les dirigeants disposent de peu de marge de manœuvre pour faire face aux vents contraires externes. Pour soutenir la croissance, les possibilités d’action restent principalement d’ordre monétaire, et n’existent que dans les pays où les tensions inflationnistes sont modérées et où la croissance est inférieure à son potentiel. Au cas où des risques de dégradation se concrétiseraient, les politiques budgétaires et monétaires pourraient être soigneusement recalibrées de manière à soutenir la croissance, tout en étant compatibles avec la viabilité de la dette et le financement disponible, et dans le cadre d’une stratégie crédible d’ajustement à moyen terme. Dans les pays où la croissance est faible, le rythme de l’ajustement pourrait être plus progressif, à condition que des financements soient disponibles ; sa composition pourrait aussi être ajustée de manière à réduire au minimum son impact sur la croissance. Dans les pays à croissance rapide qui font face à une vulnérabilité élevée liée à leur dette, il reste prioritaire de reconstituer les amortisseurs.
- Renforcer la résilience : cela aiderait la région à maintenir une croissance vigoureuse pendant plus longtemps. Pour renforcer la résilience, notamment face à des problèmes climatiques, sanitaires ou sécuritaires, il convient d’accroître les recettes intérieures, de rationaliser les subventions inefficientes et d’améliorer la gestion des finances publiques (voir le chapitre 3) afin de renforcer les bilans souverains et de créer un espace budgétaire pour les besoins de développement. Promouvoir la diversification des économies, améliorer les cadres de politique macroéconomique et réduire les prêts improductifs réduiraient aussi la vulnérabilité des pays aux chocs.
- Accélérer la croissance à moyen terme : il est essentiel de relever les taux de croissance par habitant, en particulier dans les pays riches en ressources naturelles, afin d’améliorer les résultats sociaux dans la durée et de créer des emplois pour les 20 millions (chiffre net) de nouveaux arrivants sur les marchés du travail chaque année. S’attaquer de manière globale aux obstacles tarifaires et non tarifaires dans le contexte de la Zone de libre-échange continentale africaine, développer les chaînes de valeur régionales et mettre en œuvre des réformes pour stimuler l’investissement et la compétitivité (voir le chapitre 2) pourraient accélérer la croissance régionale à moyen terme.
- Vous avez dressé un diagnostic alarmant sur la situation qui prévaut au Sahel. Quels remèdes peut-on apporter pour éviter cette expansion des violences que vous redouter ?
Alain Antil : Le diagnostic est effectivement alarmant. Et les réponses doivent être une combinaison entre trois facteurs différents. A la fois, il faut évidemment faire un effort militaire contre les groupes armés et en particulier les groupes terroristes, mais cela ne peut pas être la seule réponse. Il faut que cela soit combiné avec les capacités de négociations avec ces groupes, qu’ils rendent les armes. Il faut aussi que les Etats centraux sahéliens puissent offrir des services et de la protection aux populations qui sont entrées dans ces groupes. Si on n’a pas ces trois éléments en même temps, si on utilise seulement la force, on ne veut pas réussir à améliorer les choses. - Ce constat peut-il expliquer selon vous l’échec de la force du G5 Sahel ?
Oui, il y a d’une part ces cinq armées qui essaient de coopérer mais c’est très compliqué. Même pour des pays qui ont des armées très puissantes c’est loin d’être simple. Il y a aussi énormément de petits problèmes qui pourraient ne pas devenir violents mais qui le deviennent parce qu’on a eu à faire à une espèce d’incurie des Etats et une incapacité à régler les problèmes des populations. Et souvent dans ces populations on considère que les Etats les traitent d’une manière injuste, ce qui les amène à se tourner vers des groupes armées pour les protéger. Certains de ces groupes sont malheureusement des terroristes. - On a aussi l’impression d’un renforcement des capacités des groupes terroristes alors que des forces telles que le G5 Sahel ou Berkhane sont déployées sur le terrain ?
Aujourd’hui si on parle de la zone des trois frontières, il y a en particulier un groupe terroriste qui se renforce très fortement, c’est l’Etat islamique au grand Sahara alors que paradoxalement el Qaida au Maghreb islamique est plutôt en perte de vitesse.
La force conjointe du G 5 n’a pas encore réussi à bien se coordonner et c’est pour cela que Berkhane va se rapprocher de la force conjointe du G5. C’est cela qui a été décidé au sommet G5 Sahel-France de Pau et les soldats qui vont venir en force se sont les soldats de Berkhane , pas de la force conjointe - Pour certains, tant que l’Accord de paix d’Alger n’aura pas été mis en œuvre, il sera difficile pour le Mali de retrouver paix et stabilité. Partagez-vous cet avis ?
Bien sur, il y a beaucoup de citoyens maliens qui reprochent au pouvoir actuel de ne pas avoir tout fait pour qu’il y ait plus d’élément de l’accord d’Alger qu’ils soient appliqués sur le terrain. Je pense que malgré tout, cet accord doit guider la politique du Mali aujourd’hui. Il faut que la confiance se restaure. Il semble aujourd’hui qu’il y a une volonté nouvelle du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) de faire appliquer certains aspect de ces accords - Il a aussi engagé des négociations avec certaine figures maliennes. Est-ce une bonne chose ?
Oui avec Amadou Koufa normalement . Mais il y a plusieurs versions. On sait que parmi les autorités maliennes, il y a des gens pour et d’autres contre. Il y a un peu de tension entre les deux clans. Mais effectivement la seule solution pour le Mali c’est de réussir à appliquer dans leur totalité les accords d’Alger, parce que ce sont des accords qui sont équilibrés, qui peuvent permettre d’atténuer les tensions. - Selon vous est ce que la mise en œuvre de cet accord pourrait également impacter positivement la situation sécuritaire, au Niger , au Burkina Faso et même au-delà ?
Oui parce que, notamment l’Etat islamique au grand sahara fait aussi des attaques côté nigérien. S’il y avait des négociations, je ne crois pas que l’Etat islamique soit associé aux négociations et il y a même pas du tout, mais si on arrivait à mettre tous les groupes armés et en particulier terroristes, dans un tour de table et faire des négociations évidemment cela aurait un effet d’apaisement sur les pays voisins - Pensez vous que les groupes terroristes qui sont actifs dans cette région seraient enclins à renoncer à leur position actuelle ?
Toute façon quand vous négociez, et cela s’est vu lors de précédents épisodes de violence au nord du Niger ou au nord du Mali, avec des groupes qui sont par définition vos ennemis, il faut leur céder un certain nombre de choses. Il faut notamment que les combattants et le chef aient le sentiment de ne pas tout perdre s’ils signent un accord. Il faut négocier avec un rapport de force favorable, mais aussi en laissant un certain nombre de choses. Et cela personne ne peut le faire à la place des gouvernements. Ce sont eux qui doivent négocier. Mais il est évident que si demain on dit au Mujao ou à l’Etat islamique vous déposez les armes et rentrez chez-vous point à la ligne, ce n’est pas une motivation très forte pour négocier - Quel est selon vous l’ampleur de l’impact du conflit libyen sur la stabilité au sahel ?
Le conflit libyen a eu un impact majeur, puisque il ne faut pas oublier qu’en 2012, on est juste un an après les évènements en Libye, on a eu le retour des ouaregs maliens, qui étaient des militaires libyens. Ils sont revenus avec armes et bagages et ils étaient en fait le noyau combattant du MNLA. Il y a eu une circulation d’armes très, très forte et l’activation des trafics. Cela continue mais moins qu’il y a quelques années. Evidemment cela ne contribue pas à la sérénité des choses. - La violation de l’embargo sur les armes ne contribue-t-elle pas a alimenter les groupes terroristes en armes ?
C’est beaucoup moins vrai qu’en 2012-2013. Là on a un afflux d’armes mesurable. Il y a beaucoup d’ONG qui ont travaillé sur ce sujet il faut bien dire qu’aujourd’hui l’essentiel des armes qui tombent entre les mains des groupes terroristes au Burkina Faso, au Niger ou au Mali proviennent des armées nationales. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’armes qui franchissent la frontière libyenne, mais ce n’est pas la majorité, loin de là. - Comment voyez-vous le rôle des pays voisins dans la stabilisation de la région ?
Il faut que les pays voisins aient le même type de politique et qu’ils s’associent entre eux pour surveiller leurs frontières comme le fait l’Algérie. En faisant cela l’Algérie a eu beaucoup d’effet positif pour sur le territoire algérien. Cela n’est pas possible et cela limite les capacités d’action des groupes. C’est du reste le travail que doit faire théoriquement le G5 Sahel. C'est-à-dire que chaque pays surveille mieux ses espaces frontaliers pour éviter les disséminations d’armes. C’est la logique et la philosophie du G5 Sahel. - Mais les capacités des pays de l’Afrique de l’ouest sont insuffisantes. Comment peut-on palier à cela ?
Il y a un problème technique mais très important, lorsque vous prenez les pays du G5 Sahel. En fait ils font partis de trois communautés régionales africaines. la Mauritanie est dans la Ligue arabe, le Tchad n’est pas dans l’Afrique de l’Ouest et il y a trois pays qui sont dans la Cedéao. Or les questions de sécurité dans l’architecture de paix et sécurité en Afrique sont souvent gérées par les organisations régionales. C'est-à-dire que pour le Bukina, le Mali et le Niger , normalement c’est la Cedéao qui devrait être leader , mais comme cela concerne également la Mauritanie et le Tchad nous avons une espèce de petit problème. C’est pourquoi ces cinq pays se sont réunis dans une organisation ad-hoc. - Dans ce cas de figure l’Union africaine (UA) ne pourrait-elle pas prendre le leadership ?
Bien sûr. Il faudrait que l’UA se coordonne avec le G5 Sahel et la Cedéao pour qu’on n’ait pas une succession de politiques qui ne sont pas toutes les mêmes. - Il y a aussi une volonté de l’UA réaffirmée lors du dernier sommet de se rapproprier la recherche de solutions aux conflits africains. Pensez-vous que cela puisse se faire ?
On aimerait que cela puisse se faire. Il y a eu des dynamiques très positives sur certains dossiers, en Somalie et au Soudan. Il y a les forces multinationales mixtes de quatre pays africains qui se sont associés entre elles. Elles ne l’ont pas fait au nom de l’UA mais l’UA a eu un regard bienveillant la dessus. Il y a de plus en plus de dossiers sur lesquels l’UA ou les communautés économiques régionales font des choses ou alors des pays se rejoignent et créent une association pour régler un problème transnational. C’est un idéal mais qui n’est pas encore atteint parce que ce sont les pays sahéliens qui ont appelé la France et tous les autres pays à venir à leur chevet. - L’ONU gagnerait elle à se délester de la gestion des conflits en Afrique ou doit-elle au contraire se montrer plus présente ?
Dans l’idéal, il faudrait qu’il y ait une coordination entre l’UA et l’ONU. Mais souvent les mandats de l’ONU ne sont pas des mandats très offensifs. Celui de la Minusma c’est de faire appliquer les accords d’Alger ce n’est pas lutter cotre les terroristes. Ce sont souvent des mandats qui sont politiques pas forcement offensif. C’est aux pays de l’ONU de voir quel mandat donner à leurs forces de la paix.
Entretien réalisé par Nadia Kerraz
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L’Afrique au côté du Sahel