
Soixante minutes durant et par la grâce de notre chaîne de télévision nationale, Lounis Ait Menguellet accompagné de son orchestre, dans son style particulier, nous aura réconcilié, l’espace d’un relais toujours fugace avec la profondeur du chant : c’était avant-hier jeudi en fin de soirée en léger différé de la salle Atlas. Récit coloré...
Tout a commencé il y a une bonne quarantaine d’années. A l’époque on occupait nos vacances utilement en enseignant au sein du pays profond. Me voilà donc débarquant à Ighil Bouamas un lieudit comme tant d’autres du pays profond niché sur les contreforts du majestueux Djurdjura. Si bien dépeint par feu Mammeri dans son classique La colline oubliée. Le maire de l’époque M. Ouidir est aux petits soins avec toute la bande venue ici dispenser le savoir...Et puis cerise sur le gâteau ; une soirée avec Lounis Ait Menguellet qui fourbissait à peine ses premières armes dans une société réputée plutôt patriarcale et agnatique... Avant que le jeune homme malingre et dégingandé ne s’en vienne donner de la voix et faire parler la guitare. D’une timidité maladive à moins que ce ne soit au fond que cette pudeur atavique des gens de l’intérieur élevés dans un ordre moral rigoureux, le chanteur donnait alors l’impression d’être pressé d’en finir... Ensuite les feux de la rampe, les lampions, bref la gloire quoi. Plus de quarante ans après revoilà par la grâce du petit écran un concert de Lounis. Une opportunité pour jouir de ce moment privilégié. Car Ait Menguellet ne s’écoute pas ; il se déguste et se savoure comme un fameux mets. La salle est comble. Et il y a là tous les âges : Lounis est-il donc intemporel ou son talent gomme-t-il tous les présupposés ? Le décor est planté, toujours aussi sobre sans doute reflète-t-il quelque part la personnalité de l’artiste. Qui est toujours resté égal à lui-même et dans son port que d’aucuns jugent par trop statique voir stoïque alors que d’autres imaginent mal une autre posture de ce chanteur de fond réputé solitaire sinon plongé dans cette thébaïde qui en fait peut-être et la singularité voir même l’identité. En tout cas c’est un artiste qui puise certes sa quintessence de son humus originel qu’il porte toujours avec conviction et élégance nonobstant quelques détracteurs impénitents qui lui reprochent en particulier de ne pas innover sur le registre de l’instrumentation. En ce sens et quand bien même ses inconditionnels ne partagent pas cet avis titiller Lounis sur l’aspect un peu monotone ou monocorde de l’interprétation tant plusieurs chansons de son imposant répertoire se ressemblent comme deux gouttes d’eau n’enlève rien pour autant à la tonalité et à la densité d’une œuvre colossale et aboutie. Au demeurant, rares sont les cantateurs dans ce milieu pas tout à fait comme les autres à avoir pareil souffle et telle tenue de route si l’on ose dire. Car si aux premiers balbutiements de sa trajectoire artistique Lounis cherchait naturellement sa voie sous la diligence et l’autorité d’un certain Kamal Hamadi voisin de versant puisque lui-même natif des Ait Daoud pour la petite histoire, en faisant beaucoup plus dans la chansonnette et la farandole, passage obligé pour tout novice en quête de notoriété n’est-ce pas, il n’en demeure pas moins que des chansons culte comme Ayaggu, ô brouillard, thelteyam dhi l’amriou, pour ne citer que celles qui nous viennent d’instinct à l’esprit, annoncent et signent déjà la dimension d’un cantateur de fond. Qui récidivera sur le tard en alternant le bon, le sublime et le moins bon mais en ne descendant jamais en-dessous du seuil de la médiocrité. Et ce n’est pas là son moindre mérite à ce déjà sexagénaire toujours la moustache en guidon et l’humilité légendaire en bandoulière. Poète et barde à la fois, il a su malgré les injures du temps et l’imbécilité de certains hommes trop prompts à coller des étiquettes là où il n’y a que des tickets. Autrement dit, du talent si ce n’est du génie à l’analyse. Car il n’est pas donné à n’importe qui de surfer à travers des générations sans prendre le risque de laisser des plumes. Ait Menguellet pur produit des chemins qui serpentent et grimpent à n’en plus finir jusqu’à côtoyer les cimes du majestueux Djurdjura et par endroits s’y confondre, enfant privilégié de cette Algérie profonde tourmentée et non moins héroïque, belle et rebelle dans tous ses habits de lumière, est déjà entré dans la légende et la postérité. A la seule force du jarret et de l’esprit éclairé. Unique et multiple à la fois son œuvre colossale s’inscrit dans la pérennité. Tout a commencé il y a déjà une bonne quarantaine d’années...
Amar Zentar
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